Le médecin virtuel

Dans le monde de la santé connectée, de nombreux éléments s’imbriquent et se complètent pour construire ce nouveau panorama qui se nourrit de mathématiques (cognitive, émotionnelle…), d’électronique (objets connectés), d’ordinateurs bourrés de « neurones artificiels », et de systèmes d’algorithmes simples ou très sophistiqués.
Le médecin virtuel est une entité intelligente qui peut se nourrir de tout cela. Cet humanoïde montre le chemin de la médecine de demain : plus rationnelle, plus performante, plus en amont de la maladie.
Bref ce nouvel auxiliaire doit être un cerveau artificiel au service de tous :
Au service de l’individu qui prend en charge lui-même son destin de patient (empowerment).
Au service des médecins généralistes, spécialistes, chercheurs, qui face à la somme des connaissances à prendre en compte, ont besoin d’une aide puissante pour booster leurs capacités intellectuelles, et prendre plus rapidement les meilleures décisions dans tous les domaines de la santé publique.
Le médecin virtuel semble par ailleurs pouvoir être une aide là ou l’infrastructure médicale est défaillante, avec la possibilité d’une collaboration avec les services de télémédecine, domaine également en cours de construction (voir notre billet  » La télémédecine : Espoir, définition et réalité »).

Nous allons tenter de faire le point sur cette nouvelle entité, qui grâce à ses algorithmes, peut proposer directement à un patient en ligne, un diagnostic, un traitement et peut prodiguer des conseils, à partir de ce que le patient peut décrire lui-même.
L’un des premiers médecins virtuel qui « exerce » aujourd’hui, et qui nous parait déjà bien engagé dans cette démarche, est une invention Française qui a été présentée au très emblématique Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas en janvier de cette année. (Le CES est le premier salon au monde dans le domaine de l’électronique grand public).
Son inventeur est le Docteur Loïc Étienne, qui pourrait d’ailleurs être en quelque sorte le fil conducteur de ce billet, tant il est le parfait symbole de l’évolution de la santé connectée en France.
En effet, notre médecin avant-gardiste est médecin urgentiste depuis les années 1980. Il a très tôt utilisé les nouveaux médias, en créant dans le cadre du Minitel, un « 3615 Ecran Santé », il s’agissait d’un des premiers forums de discussion avant l’apparition d’internet.
Le Docteur Étienne a fondé Docteurclic. Il est le créateur du système expert e-docteur. com en 2014. Il a créé la société médicale intelligence service. Enfin il a inventé le médecin virtuel : Medvir.
Medvir et une intelligence artificielle reposant sur des algorithmes décisionnels médicaux.
La mise en place de ce système expert nécessite une application médicale qui est Bewell Check-up.
Pour alimenter notre médecin virtuel rien de mieux que l’utilisation d’objets connectés, notre expert a donc noué un partenariat avec Visiomed Group. Qui est l’un des leaders dans le domaine des objets collectés. (Thermomètre sans contact, tensiomètre, Oxymètre de pouls….)
Pour être complet, Visiomed Group est rentré dans le capital de médicale intelligence service et a annoncé par ailleurs un accord de partenariat avec H2AD, qui est une plate-forme Française de télémédecine, permettant à Visiomed Group de compléter son offre de suivi à domicile des patients.

Désolé pour cette description peut être un peu lourde de l’ensemble de cette structure, mais nous souhaitions par ce bref résumé vous donner un aperçu de ce que pourrait être l’organisation de notre santé connectée de demain.
C’est-à-dire l’addition d’un système d’intelligence artificielle, avec des innovations électroniques (objets connectés), ce qui constitue la médecine 2. 0.
Tout cela étant connecté à une plate-forme, ou l’homme (secrétaire, infirmière, médecin…) reprend le contrôle, analyse décide, prévient et soigne.

Revenons à notre médecin virtuel Medvir. Il a été testé par SOS médecin Paris, il a fait l’objet d’une expérimentation dans le service des urgences de l’hôpital Lariboisière à Paris. Il permettait là 83 % de diagnostic exact.
Le système utilise des principes de logique pour étayer son raisonnement médical, Il repose initialement sur 150 symptômes qui résument tous les aspects de la plainte d’un patient, et il est capable pour le moment de suspecter 511 pathologies en séparant bien ce qui est urgent ce qui ne l’est pas. C’est un système qui n’est certainement pas encore totalement mature, et qui est perfectible.
Car le système est auto apprenant, grâce aux remontées qu’en feront les internautes, et en comparant ses diagnostics à ceux posés in fine par un médecin en chair et en os.
En effet nous souhaitons rassurer les médecins/confrères qui pourraient avoir l’impression de se faire déposséder de leur métier, et rassurer les patients qui pourraient être effrayé à l’idée de se livrer à une machine et à ses algorithmes : le médecin virtuel ne fait que des propositions.
Avant même de proposer ses diagnostics, il répertorie les symptômes à partir de l’interrogatoire du patient, puis il exerce un raisonnement médical grâce à ses algorithmes (écrit par un médecin).
Il peut également s’appuyer sur des résultats de mesures, comme la fréquence cardiaque la tension la température le taux de glycémie…, fourni par des objets connectés.
Il propose finalement des diagnostics et peut définir une conduite à tenir. Dans certains cas il va proposer une automédication limitée à 72 h. Mais dans la plupart des cas, il alerte le patient et lui propose de consulter son médecin référent, en fonction de l’éventuelle gravité du problème, ou de se mettre en rapport avec la plateforme dédiée.
Ce médecin virtuel peut fonctionner à l’envers, un patient suivi pour une pathologie chronique comme un diabète, ou une hypertension artérielle… peut voir se déclencher une alerte via un objet connecté qui va constater une mesure anormale (glycémie élevée, chiffre anormal de la tension artérielle…). Notre médecin virtuel va alors déclencher un interrogatoire du patient, et lui proposer de réagir de façon adaptée.
Voilà ainsi décrit l’un des projets de médecin virtuel les plus abouti et dont nous ne manquerons pas de suivre l’évolution (1).

D’autres médecins virtuels existent aujourd’hui.
Nos avons retenu le médecin du sport virtuel : le Drsport
Il était logique que l’intelligence artificielle s’intéresse particulièrement au domaine du sport, en effet les sportifs ont été les premiers à utiliser régulièrement les objets collectés de base. (Comme l’historique accéléromètre permettant de calculer le nombre de pas ou de foulée…)
Notre Drsport est une application utilisable avec notre smartphone, elle guide et conseille le sportif quand une douleur ou un symptôme apparaît au cours de l’effort.
Elle repose sur un algorithme qui propose un interrogatoire, permettant de décrire par exemple une blessure, elle propose des remèdes classiques médicamenteux ou homéopathique, phytothérapique.
En fonction de la gravité, l’application peut recommander une consultation en urgence.
L’application permet de géo localiser des professionnels médicaux, pharmaciens, et des paramédicaux partenaires de l’application.
Les concepteurs de l’application mettent en avant une validation scientifique, et un accompagnement juridique qui devrait satisfaire les utilisateurs.
Malgré le travail déjà effectué par les concepteurs, l’efficience de ce dispositif devra être évaluée après le recueil d’une quantité suffisante de données (2).
Notre troisième docteur virtuel est spécialisé dans la médecine du sommeil.
Ce docteur s’intéresse à la somnolence diurne excessive qui toucherait 10 % de la population avec des conséquences médicales et économiques très importantes.
Il a été inventé par l’équipe de Pierre Philip : « Sommeil, attention et neuropsychiatrie (SANPSY) CNRS USR3413, Université de Bordeaux, Centre hospitalier régional de bordeaux »
Les logiciels constituant notre médecin appelé ici, « agent conversationnel animé », sont issus de l’informatique émotionnelle (Affective Computing).
Notre docteur virtuel est capable de conduire un entretien médical permettant un diagnostic de somnolence diurne excessive.
Ces entretiens peuvent être de longue durée et répétitifs, il est ainsi utile de décharger partiellement le clinicien de cette tâche, il reprendra la main pour la synthèse diagnostic et thérapeutique.
Les premiers résultats de l’expérimentation montrent que notre humain virtuel pourrait devenir un élément-clef de la prise en charge des pathologies du sommeil (3).

Mais au cours de nos recherches sur la toile concernant ces médecins/confrères artificiels, nous avons trouvé des médecins virtuels qui nous ont paru beaucoup plus « fantaisistes » et pouvant entraîner les patients vers une impasse, ce qui peut être potentiellement dangereux pour un internaute prêt à faire confiance à ces systèmes.

Nous avons par exemple été dérouté par un site dont le médecin virtuel propose une liste de symptômes qui sont souvent difficilement compréhensibles, et qui en fait, ne sont pas toujours des symptômes au sens médical du terme, et dont l’interprétation nous parait pouvoir être très variable.
Nous avons tenté de faire deviner à ce médecin virtuel des pathologies simples, mais sans aucun succès…

Comme toujours, le problème de l’évaluation de ces systèmes est fondamental. Une régulation est impérative afin d’éviter autant que faire se peut des dérives en tout genre.

Pour terminer sur une note positive, nous avons testé un dernier médecin virtuel : DocForYou.
Il propose également une analyse de symptômes. Nous l’avons expérimenté en simulant de nombreuses pathologies qui nous sont familières, ses réponses ont toujours été exactes après un très petit nombre de questions de la part de l’algorithme. Une petite restriction, après avoir énoncé et commenté le diagnostic, il nous semble que le patient n’est pas été suffisamment et clairement alerté sur la nécessité de consulter plus ou moins en urgence, en fonction du diagnostic, afin de faire vérifier le diagnostic proposé, par un médecin réel.

Voilà ainsi présenté des « Médecins Virtuels » qui seront nécessairement un nouvel outil à la disposition de tous.
Certains de ces systèmes en ligne paraissent très prometteurs, notamment lorsqu’ils ont été inventés et développés par des médecins qui ont des références, et qui conduisent des études sérieuses les évaluant.
Ces algorithmes seront probablement très utiles lorsqu’il n’y aura pas la possibilité de consulter dans un délai raisonnable un médecin réel.
Ils seront également une aide directe au médecin réel, avec les autres outils de l’intelligence artificielle, ( voir nos billets. » L’intelligence artificielle se mobilise contre la maladie d’Alzheimer : Interview de Jérôme Pesenti« , et « L’intelligence artificielle selon Watson d’IBM« ).
Mais pour le moment, le système expert doit être très prudent dans ces conclusions diagnostiques et thérapeutiques, il doit toujours rappeler au patient, la nécessité de confronter les conclusions du système avec les conclusions d’un médecin réel, et cela en fonction de la gravité suspectée du diagnostic, cela implique que ces systèmes soient validés scientifiquement. Nous sommes actuellement au point de départ de ces nouvelles technologies, les autorités de tutelle ne semblent pas avoir formulé de recommandations les concernant, et les offres fleurissent tout azimut.
Le public ou le patient doivent avoir le réflexe de consulter au moindre doute, et de confronter leur expérience personnelle sur la toile, avec les conseils du médecin traitant, ou d’un service d’urgence le cas échéant.

(1) Nous vous proposons quelques références le concernant :
http://www.zeblogsante.com/premier-medecin-virtuel-a-las-vegas/
https://bewell-connect.com/fr/checkup/?gclid=CK2oxq6gtdACFVEW0wodhogNag
http://mylittlesante.com/visiomed-sante-connectee-medecin-virtuel/
https://iatranshumanisme.com/2015/12/12/investissement-strategique-dans-lintelligence-artificielle-medicale/

(2) Pour tout renseignement complémentaire voici deux liens:
http://drsport.fr/
https://runonline.wordpress.com/2016/09/29/drsport-le-medecin-virtuel-arrive-dans-nos-smartphones/

(3) Nos références :
http://www.cnrs.fr/insb/recherche/parutions/articles2015/p-philip.html
– Pierre Philip, Sommeil, attention et neuropsychiatrie (SANPSY), CNRS USR3413, Université de Bordeaux, Centre hospitalier régional de bordeaux
Hopital de Pellegrin et Tondu, Place Amélie Raba Léon, 33076 BORDEAUX CEDEX
-Could a Virtual Human be used to Explore Excessive Daytime Sleepiness in Patients? Philip, P.; Bioulac, S.; Sauteraud, A.; Chaufton, C. and Olive, J.
Presence: teleoperators and virtual environments. 2014, Vol. 23, No. 4, Pages 369-376 doi:10.1162/PRES_a_00197

5 commentaires Ajoutez les votres
  1. H2AD plate-forme de télésanté et telemedecine avec des vrais medecins salariés joignables en 24/7 présents en permanence sur le plateau médical , intervient en complément du médecin virtuel qd le patient à des interrogations .ça mérite d’être souligné.

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