L’ophtalmologie connectée : l’espoir d’un diagnostic plus précoce d’un grand nombre de pathologies oculaires.

L’un de nos derniers billets concernant la santé connectée et l’ophtalmologie, avait mis en évidence les échecs, voir la désinformation concernant les lunettes et les lentilles connectées.

Fort heureusement nous pouvons présenter dans ce billet, des réalisations et des projets en ophtalmologie connectée qui ont un impact immédiat sur la santé.

L’ophtalmologie est un domaine symptomatique de certaines insuffisances de santé publique, mais grâce aux progrès technologiques et de la communication, nous pouvons espérer un bouleversement des pratiques. En effet même dans un pays moderne comme le nôtre, le délai d’attente pour avoir accès à un spécialiste dans cette discipline peut varier de plusieurs semaines à de nombreux mois (85 jours en moyenne).

Il est fort probable que de nombreuses personnes pâtissent de cet état de fait, de nombreux diagnostics sont probablement faits avec retard et de très nombreux dépistages (dégénérescence maculaire, glaucome…) ne sont pas effectués. Le constat est bien plus dramatique dans les pays plus pauvres (Afrique…) ou les spécialistes sont beaucoup plus rares, et les appareillages coûteux souvent inexistants notamment dans les zones rurales.

Nous vous proposerons très prochainement un billet concernant l’ophtalmologie connectée dans les pays en voie de développement. Mais nous pouvons voir dans ce billet que même dans les pays les plus médicalisés, l’ophtalmologie connectée permettra d’aller plus facilement à la rencontre de la population, et à un moindre coût, et de permettre des diagnostics précoces, et des dépistages de masse. Voilà en premier lieu la lentille Sensimed Triggerfish. Elle est approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, (voilà déjà qui nous rassure !).

Cette lentille est à l’hypertension oculaire ce que le holter est au monitoring cardiaque. Ce dispositif est déjà utilisé dans plusieurs pays européens ainsi qu’au Japon en Australie et au Canada. Cette lentille doit être posée par un médecin, Elle est portée au maximum pendant 24 heures par le patient, soit en hospitalisation ambulatoire soit à domicile. Elle permet un enregistrement automatique des changements dimensionnels de l’œil. Cette analyse est réalisée par une minuscule puce télémétrique située sur la lentille. Les données sont transmises par une petite antenne souple appliquée près de l’œil et reliée à un enregistreur portable. Le médecin doit installer sur son ordinateur le logiciel Triggerfish. Ainsi peut-être réalisé un monitoring de la tension oculaire beaucoup plus précis que la prise de pression ponctuelle réalisée au cabinet de l’ophtalmologiste.

Ce système est destiné aux professionnels de santé qui doivent préalablement bénéficier d’une formation. Le deuxième dispositif dont je voulais vous parler est le système « smart vision Labs », constitué d’un iPhone, d’un processeur et d’une connexion sans fil. Il permet de faire contrôler sa vue par son opticien. L’examen demande cinq minutes. Il évalue l’acuité visuel, dépiste les troubles visuels les plus fréquents, les troubles de la réfraction : la myopie, la presbytie, l’astigmatisme. Le dispositif peut proposer une correction immédiate.

Dans d’autres cas, les données sont envoyées à une plate-forme. Un médecin analyse des résultats et adresse 24 heures après, une prescription de correction par exemple, ou propose une consultation spécialisée pour un bilan plus approfondi. L’intérêt du dispositif est qu’il peut être disponible sans qu’il ne soit nécessaire d’avoir à rencontrer un médecin. Aux États-Unis, l’examen coûte environ 40 $ et permet aux patients une importante économie. Le système ne permet pas une prise de tension oculaire ou une analyse du compartiment postérieur de l’œil. Il ne peut donc pas dépister toutes les pathologies, mais ce système permet d’alerter le patient, et de provoquer la réalisation d’un examen traditionnel au cabinet de l’ophtalmologiste. L’intérêt de ce système peu coûteux est de susciter plus fréquemment qu’aujourd’hui la réalisation d’un examen ophtalmologique, permettant ainsi de dépister plus précocement un certain nombre de pathologies.

Notre troisième exemple concerne DeepMind, la machine de Deep Learning de Google au service du dépistage ou de la prévention des maladies oculaires. En 2016 DeepMind a battu le champion du monde de jeu de Go. Mais ici, il ne s’agit plus d’un jeu, l’association entre la machine et le Moorfields Eye Hospital de Londres (qui reçoit 600 000 patients par an) doit permettre de prévenir l’apparition de troubles visuels, voire la cécité chez de nombreux patients prédisposés. Le patient subi un examen comprenant une photographie de la rétine, un fond de l’œil (rétinographe), ainsi qu’une tomographie en cohérence optique. Un algorithme de machine Learning sera ensuite capable d’analyser ces examens, et de détecter s’il existe un problème urgent. L’intérêt de cette association est de pouvoir interpréter beaucoup plus rapidement les données fournies par les examens morphologiques de l’œil, et de pouvoir plus facilement et précocement détecter les pathologies de type dégénérescence maculaire liée à l’âge, ou encore la rétinopathie diabétique. Le système devrait apprendre à repérer des anomalies encore impossible à dépister par le médecin même spécialiste.

Ce projet est emblématique de l’intérêt d’associer une équipe médicale constituée des meilleurs spécialistes dans leur domaine, avec des spécialistes du Deep Learning qui sont également parmi les meilleurs spécialistes dans leur domaine. Les promoteurs de cette aventure, estiment que ce travail devrait pouvoir aider les professionnels de la santé à faire des diagnostics plus rapides et plus précis, permettant des traitements précoces et d’éviter ainsi bon nombre de troubles visuels et un grand nombre de cécité. Nous avions déjà souligné cette synergie caractéristique de la santé connectée dans notre interview de Jérôme Pesenti, un spécialiste de l’intelligence artificielle, travaillant avec des pharmacologistes. La santé connectée en ophtalmologie apporte ainsi sa pierre à l’édifice d’une médecine plus efficiente, à un moindre coût, en mettant au premier plan la prévention, autre facteur essentiel pour l’amélioration de la santé publique.

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