Numérus Clausus, la fin programmée…

Ne miser que sur les Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication (NTIC) pour continuer à faire passer la pilule d’un Numérus Clausus (N. C.) obsolète, serait-ce fini monsieur le Président ?

Enfin l’exécutif, et par la voie du Président, va s’exprimer sur l’organisation de notre servie de santé.

Le Numérus Clausus sera immanquablement (je l’espère) largement évoqué voir (je l’espère) malmené. 

 Serait-ce la fin de la pensée unique déclarant que le problème de la démographie médicale (des déserts médicaux…) ne dépendrait pas du N.C.  

La solution proclamée par presque tous aujourd’hui était l’avènement de la santé connectée qui allait « libérer du temps médical » et régler le problème des zones sous dotées en Médecin de soins primaires.

 Tout en étant des pionniers sur la communication et la formation concernant la E-santé, nous dénoncions déjà ces intellections. 

Dans notre premier billet sur les déserts médicaux. « Les déserts médicaux : le Nord Aveyron, le canton de Lot et Truyère témoignage du Dr Gilles Verrez » 

Notre confrère, victime de cette démographie médicale y déclarait :  

« Pourquoi ne pas repêcher un certain nombre d’étudiants situés immédiatement après la liste des heureux élus du concours de première année, en leur demandant en échange une installation pendant au moins quelques années dans les déserts médicaux ». 

Alors bien sur de multiples voix pouvaient s’élever contre le coté techniquement (peut-être ?) irréaliste de cette proposition, mais sans jamais apporter d’autres solutions et pour cause pour eux le problème n’existait pas. 

En effet des représentants de la gouvernance (Premier Ministre, Ministre de la santé…) déclaraient « Il n’y a jamais eu autant de médecins qu’aujourd’hui », ce que me répétait très récemment encore un haut fonctionnaire   Médecin de formation. 

Nos gouvernants confondaient nombre de médecins en exercice avec nombres de diplôme délivrés. 

Ils confondaient aussi adéquation entre les pratiques réelles de ces médecins installés et besoin en soins primaires de la population. 

Il suffit de lire les petites lignes sur des plaques nouvellement posées ou nouvellement modifiées pour voir qu’une partie de temps médical n’est pas consacré aux soins et suivi classique de base mais plutôt aux médecines alternatives ou de confort, cela étant vrai pour les médecins spécialistes de médecine générale (ancien médecin généraliste) mais également vrai pour de nombreux médecins spécialistes.  Ils sont parfois effectivement installés en nombre mais leur pratique va de la médecine esthétique à d’autres pratiques éminemment respectables mais en marge des priorités de santé publique. La rémunération inadéquate des actes médicaux de base écartant les médecins des soins les plus indispensables pour les patients.

Pour les médecins spécialistes de médecines générales le constat est par ailleurs très simple, c’est la pénurie en valeur absolue. Les « jeunes » retraités rempilent sous les incitations de la gouvernance, les retraités définitifs ne sont que très partiellement remplacés. De plus en plus de médecins anciennement mais également nouvellement installés (après deux ou trois ans) ne prennent plus de nouveaux patients, de plus en plus de patients ont de plus en plus de mal pour trouver un Médecin référent ou ces derniers vont les accepter en leurs promettant des délais de plus en plus longs pour les consultations programmées.  Pour les consultations en urgence c’est l’aggravation de la pagaille déjà ancienne qui envoie de nombreux patients vers les services d’urgence des établissements de soins pour un coût exorbitant pour la société, une exaspération des patients dans les files d’attente et un épuisement des professionnels de santé, et in fine une efficacité très relative… Ils en résultent que de plus en plus de patients reportent ou annulent les consultations (d’urgence ou de suivi) avec des résultats sanitaires désastreux sur le suivi de beaucoup de malades chroniques (HTA…), dont on savait déjà qu’ils n’étaient déjà pas correctement suivis (environ 50% des hypertendus traités non pas de chiffre tensionnel satisfaisant !

D’une façon ou d’une autre, Il faut que la gouvernance permette la formation d’un nombre suffisant de médecins dont on peut prévoir l’activité in fine, Gouverner c’est prévoir. 

C’est dans ce sens que notre confrère Gilles Verrez avait fait sa proposition.

Pourtant tout était déjà écrit et il a fallu pour en arriver à la collusion entre les gestionnaires de l’assurance maladie, et les syndicats de médecins qui étaient d’accord sur le niveau du numérus clausus. Cela rassurait d’ailleurs les syndicats des médecins en cours de formation (internes, chefs de cliniques…) souvent vent debout lorsque l’on évoquait l’augmentation du N.C. L’un des arguments souvent cités étant la pénurie des lieux de stage des étudiants et des jeunes médecins.

 Ceux qui assuraient la gouvernance en ce domaine n’ont jamais voulu voir l’évidence et prévoir les effets néfastes de leurs actions sur le N.C.  

Et cela malgré des voix qui tentaient de s’exprimer sur le sujet. 

Par exemple le livre publié en 2011 par le Dr Daniel Wallach : Numerus clausus, pourquoi la France va manquer de médecins !!!! 

Au début des années 70 les patients consultaient de plus en plus, le N.C. a alors très fortement progressé. 

Il s’agit d’une nouvelle période fondamentale de l’organisation de notre système de soins marqué par les débuts du conventionnement. La nouvelle convention médicale :  Loi n°71-525 du 03 février 1971 « introduisant dans le code de la sécurité sociale les principes de la convention nationale … ».  

Cette première convention (1971-1975) faisait suite aux Ordonnances n° 45/2454 du 19 octobre 1945 : Régime des Assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles Instaurant le Libre choix du médecin par le maladepaiement direct des honorairesremboursement par les caisses ; avec l’apparition de la notion de « tarifs négociés ».

La première convention faisant suite également au Décret n°60-451 du 12 mai 1960, modifié par le décret n°66-21 du 7 janvier 1966 fixant les plafonds des tarifs médicaux par arrêté interministériel, Encadrant les modalités de dépassement des tarifs, avec au passage la Création de commissions paritaires caisses / syndicats sur la question de la qualité des soins.

 Ces formidables avancées sociales rendu possible par une meilleure réglementation ont transformé l’organisation des soins primaires elles ont offert aux Français un meilleur accès aux soins, les Français pouvaient plus facilement consommer des soins car ils devenaient solvables. 

Dès cette époque les responsables ont toujours compris le contraire dénonçant l’offre de soins (et en particulier le nombre de médecins…) comme la cause de l’explosion des dépenses médicales. Cette pensée particulièrement perverse est à l’origine des problèmes actuels de démographie médicale. Ils dénonçaient la progression du N.C. en ces années 70, le rendant responsable de l’augmentation des dépenses de santé, d’autres le rendait responsable d’une future paupérisation de la profession médicale en raison d’une possible surpopulation.  

En effet à partir de ces années les pouvoirs publics entendront les voies concordantes des gestionnaires de l’assurance maladie et des syndicats de médecins pour demander très vite une baisse du N.C. 

Ce sera déjà le cas sous le ministère de Madame Veil (Rapport Bardeau de 1976). 

En outre, l’assurance maladie et les syndicats de médecins installés reçoivent le renfort des syndicats des futures médecins en formation (dès qu’ils ont atteint la deuxième année !!) qui deviennent aussi favorable à la sélection par le N.C. (congrès de l’ANEMF de 1977)

C’est alors da dégringolade du N.C. (la Commission Fougère). 

Par ailleurs des conseils départementaux de l’ordre des médecins, les colonnes du Quotidien des médecins dénoncent le risque de surpopulation médicales dans la creuse, en Dordogne…. 

C’est alors le règne de Gilles Johanet directeur de la CNAMTS qui va constamment pilonner pour limiter le nombre de médecins en formation et même proposer la reconversion de 20 000 médecins jugés inutiles.

Et la CPAM d’insister en 1991 pour dire que les dépenses de santé augmentent car le nombre de médecins augmente. En 1991 tout le monde sauf quelques francs tireurs sont d’accord pour limiter le nombre de médecins.

Mais la réalité étant contraire à ces suppositions, en 1998 tous (syndicats médicaux et autorités sanitaires) sauf Gilles Johanet voient arriver la pénurie de médecins à partie des années 2000.

La comparaison entre les données démographiques médicales en baisse et les données de la démographie de la population Française en hausse, annonçait à l’évidence la pénurie de médecins, sans même parler du rôle de de la féminisation spécifique des professions médicales. Les femmes médecins travaillent moins dans les cabinets médicaux que les hommes (elles travaillent toujours beaucoup dans le cadre familial…). 

La pénurie totalement prévisible devient effective au début des années 2000 déclenchant une importante remonté du N.C. mais 10 ans trop tard compte tenu de la durée des études médicales. 

Il est alors reconnu que les médecins excédentaires de Monsieur Johanet n’avaient jamais existés. 

Le ministère de l’emploi (la DREES) publie en févier 2002 les projections de la densité médicale qui passera de 329 pour 100000 habitants à 250 en 2020… 

Annonçant dès 2002 la catastrophe c’est ce que je promets depuis quelques années en interrogeant le terrain.

Et je maintien que la catastrophe est en train de s’installer tranquillement. 

Il n’y avait qu’à s’intéresser à ce que nous disent les médecins installés qui sont de moins en moins nombreux, qui ne trouvent pas de remplacement. Mais comme ils connaissent, eux, l’âge de leurs confrères et comme ils sont au courant de la pénurie des jeunes médecins (car il ne trouve pas de remplaçants pour les congés), ils savent alors assez précisément, canton par canton, comment les choses vont arriver année après année.

Vous pouvez lire cela dans nos billets sur les déserts médicaux que nous écrivons sans relâche… 

Et vous messieurs les gouvernants, messieurs les responsables de l’assurance maladie, vous les syndicalistes et autres représentants des médecins en formations vous ne voyez toujours rien ! Pourtant Monsieur Johanet est hors circuit c’est vrai qu’après avoir servi à l’assurance maladie il s’est tourné vers le privé et les assurances privés AGF pour travailler un temps sur un système de médecine pour VIP !

Alors qu’allez-vous nous proposer cette semaine Monsieur le Président ?  

Possiblement : 

– Une accélération de la mise en place des nouvelles techniques de l’information et de la communication (NTIC) en faveur de la médecine, avec depuis ce 15 septembre la possibilité théorique de faire partout de la télémédecine, une accélération tout azimut de la mise en place de la santé connectée en faveur notamment des déserts médicaux. En intégrant de » l’intelligence artificielle » partout où cela est possible. En développant des nouveaux systèmes basés sur la Blockchain pour reformer une partie de l’administration de notre médecine… 

Cela est nécessaire voir fondamental mais la montée en puissance de ces nouvelles façons de travailler ne libéreront notamment ce fameux temps médical qu’après des années de travail ambitieux. 

– une modification en profondeur des études médicales avec une nouvelle façon de penser la sélection et le NUMERUS CLAUSUS ! 

Cela est également indispensable voir vitale pour la pérennité de notre système de soins notamment primaire et pour le développement de la prévention, colossal chantier à mettre en place car future colonne vertébrale du futur système de prévention. Cela est fortement plébiscité par les individus et les patients (emporwement, quantifiedself…), mais les effets vont également demander des années pour se manifester concrètement. 

– Accroitre « l’importation » de médecins étrangers pour colmater les brèches les plus évidentes ? est-ce possible ? est ce souhaitable ? Je proposerais plutôt de « rapatrier » les étudiants Français exilés en Europe ayant franchi là- bas la première année de sélection et leur permettre de finir leur cursus là ou ils ont souvent essayé de le commencer avant d’avoir été bouté par le N.C. (eux aussi ont très certainement des idées très précises sur certains côtés Kafkaïens de ce N.C.).

-Accroitre le transfert de taches des médecins vers les autres professionnels de santé, développer enfin la profession de » supers infirmières » qui pourront ainsi réaliser de nombreuses actions de soins et de suivis programmés.  Impliquer plus fortement les pharmacies en généralisant dans les officines les activités de prévention de soins et de suivi également…

Tout cela existe déjà mais doit être développé pour donner des premiers résultats significatifs dans plusieurs années.   

Mais quid des réponses sérieuses pour assurer dès cette année le remplacement des médecins qui partent à la retraite, ou qui veulent simplement prendre des congés de durées décentes. 

Quid des réponses concrètes pour renforcer cette année les effectifs des nombreuses Maisons de santé qui ne peuvent pas fonctionner normalement dans de très nombreux cantons ruraux et dans les périphéries des grandes agglomérations.

Quid de la généralisation des multiples actions de prévention (primaire, secondaire, et tertiaire) pour améliorer l’espérance de vie en bonne santé de la population Française qui n’est que dans la moyenne européenne, alors que nous sommes dans le peloton de tête pour l’espérance de vie. 

Nous devons maintenir notre système de soins à un excellent niveau, nous devons y adosser un système de prévention.  La disruption technologique que nous vivons actuellement doit nous y aider. 

Mais depuis près de cinquante ans la gouvernance a totalement loupé la gestion des ressources humaines, engluée qu’elle était dans les conflits d’intérêts professionnels (syndicaux) et les mauvaises hypothèses sur le plan économique…

La base de toute organisation sanitaire performante repose sur les hommes, les NTIC les rendront plus intelligents et efficients à condition qu’ils soient toujours en nombre, même si les métiers ne seront plus les mêmes.  

Nous sommes très impatients de vous entendre sur ces sujets monsieur le Président.

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