La robotique chirurgicale, la revanche de la main pensante !

Je ne sais pas par quel court-circuit intellectuel a jailli de mon esprit le terme de « Main pensante » lorsque je commençais à réfléchir sur la rédaction de ce billet sur le Robot chirurgical.

Cette notion lue dans le livre de Jean-Paul Binet « L’acte chirurgical » (1) qui m’avait été offert en 1990.

En réalité, si ce sujet de Robotisation en chirurgie ne me paraissait pas très original, (en effet à l’instar des robots utilisés depuis des dizaines d’années dans l’industrie, ils ne m’apparaissaient que comme un instrument facilitant la main du technicien ou du chirurgien), ils n’apportaient pas à ce que je croyais une véritable innovation au sein de notre domaine de réflexion qu’est la santé connectée.

J’étais jusqu’à présent beaucoup plus intéressé par les robots porteurs d’algorithmes sophistiqués que je décrivais dans les billets précédents même si je m’interrogeai déjà sur leur intelligence supposée :

Relire à ce sujet

La France avec Bruno Maisonnier, leader mondial de la robotique humanoïde

Nos amis les robots domestiques arrivent !

Les robots « humanoïdes » ou « Biomimétiques » à l’hôpital.
Fantasmes autour des robots et de leur prétendue intelligence !

Mais ironie de l’histoire d’où vient le mot « chirurgie »

Du Grec cheirurgia : kheir/main, ergon/travail

Le chirurgien est ainsi un médecin qui utilise sa main qu’elle soit prolongée ou pas par un instrument.

Et c’est au cours de la visite dans le service de chirurgie pariétale robotique de Philip Muysoms à Gent en Belgique (En Flandre) où j’ai pu voir à l’œuvre notre sujet de dissertation pourvu de « quatre mains ».

Chez un être humain normalement constitué de deux mains, il y a habituellement et essentiellement une main pensante (souvent la droite), et une main de renfort.

Mais qu’en est-il de notre Robot quadrumane !

C’est ce que va essayer de faire ressortir ce billet.

Un peu d’histoire.

Au début de l’aventure (en 1985), au Memorial Medical Center de Long Beach, le robot Puma 200 ; un Robot couplé à de l’information donnée par un scanner traduite en coordonnées opérationnelles, pour atteindre une cible intra crânienne au millimètre près, le premier appareil d’une longue série capable d’atteindre des cibles neurochirurgicales. (2)

Nous sommes là bien loin de « l’intelligence artificielle », ce système n’ayant ni de près ni de loin la moindre capacité intellectuelle d’une intelligence artificielle associée à un système informatique.

Concernant la chirurgie orthopédique et la pose de prothèses, des robots ont été conçu entre 1986 et 1989 (robot Scara, fruit d’une collaboration entre IBM Yorktown Heights et l’université de Californie à Davis) et commercialisé en 1992 (Robodoc), mais sans jamais avoir trouvé une place significative sur le marché.

A noter l’expérience maintenant conséquente de l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon où Sébastien Lustig utilise un robot permettant depuis 2013 de poser des prothèses partielles de genoux, il s’agit d’une assistance robotique, il y a une modélisation de l’anatomie de l’articulation du genou et la machine conduit automatiquement la préparation pour la pose des éléments prothétiques qui est réalisée par le chirurgien le geste réalisé est à priori plus précis, espérant un meilleur résultat fonctionnel (voir les études en cours, études randomisées ?…)

Speedy est un robot de la société française AID (aujourd’hui disparu) qui a été adapté en 1989 par le laboratoire T.I.M.C. (techniques de l’imagerie, de la modélisation et de la cognition) de Grenoble pour être utilisé en neurochirurgie stéréotaxique (technique qui, grâce à un dispositif mécanique fixé sur la tête, permet de localiser et d’atteindre de façon précise des structures cérébrales profondes).

Le robot Puma 560 a permis, en 1990, à une équipe médicale d’Imperial College à Londres, d’effectuer une ablation de la prostate.

En 1998, la première version dite « standard » du désormais célèbre robot daVinci d’Intuitive Surgical ® est utilisée lors d’un pontage coronarien, deux ans avant sa validation par la FDA américaine, ce sont les derniers développements de ce robot qui peuple actuellement les blocs opératoires du monde entier.

D’autres sociétés sont dans la course de la robotisation :

Dans le champ de la robotique médicale, la France dispose de belles pépites, mais qui à ce jour n’interviennent pas sur le terrain du Da Vinci et ne peuvent donc le concurrencer. Nous pouvons citer notamment Robocath, une start-up rouennaise qui développe des dispositifs robotisés pour traiter les pathologies cardiaques. Mais aussi Axilum Robotics une société strasbourgeoise fondée par une équipe composée d’enseignants-chercheurs, d’ingénieurs et médecins et qui a conçu un robot d’assistance à la stimulation magnétique transcrânienne.

Qu’est censé apporter intuitivement ou après expériences préliminaires le robot ?

D’après les spécialistes le robot permettrait de simplifier la complexité de certains gestes ou certaines interventions en augmentant le contrôle et donc la sécurité pour le patient.

En effet le chirurgien est plus confortablement installé, il bénéficie d’une vision très rapprochée en 3D, la vision est très nette, stable, il est possible de zoomer.

Les « mains » du robot (trois ou quatre) qu’il commande ont beaucoup plus de possibilisées de mouvement que sa main dominante, permettant des gestes plus précis dans tout l’espace, permettant de réaliser des sutures plus précises, le geste peut atteindre des zones plus difficiles ou impossibles à accéder par les techniques de coeliochirurgie ou à ventre ouvert, le tremblement naturel de la main est éliminé.

Compte tenu de la simplification supposée de la procédure chirurgicale les bénéfices attendus pour les patients sont :

-De meilleures suites post opératoires.

-Moins de complications, infectieuses, hémorragiques.

-Et donc un retour plus rapide à une vie normale.

Certains centres proposent ainsi en routine de réaliser avec l’aide du robot : L’ablation de la vésicule biliaire, le traitement des lithiases de la voie biliaire principale, la chirurgie colo rectale pour les pathologies bénignes et malignes.

Afin de rester objectif ce qui est énoncé ci-dessus l’est dans un contexte de liens d’intérêts étroits notamment entre utilisateurs du robot et le constructeur cela n’exclut en rien le caractère loyal des affirmations, mais cela doit bien évidemment être évalué et contrôlé en mettant l’accent sur l’information et le consentement éclairé du patient qui « prête » son corps à ces nouvelles manipulations.

Certaines spécialités qui avaient pris plus tardivement que les chirurgiens viscéraux le chemin de la coeliochirurgie sont maintenant à la pointe de l’utilisation des robots. Je me souviens à ce propos des visites dans la salle où j’intervenais, d’un confrère urologue qui venait se familiariser avec l’anatomie chirurgicale de l’espace pré péritonéal lors d’intervention de chirurgie herniaire (voie TAPP), en prévision de réaliser des résections chirurgicales de la prostate par coeliochirurgie. Nos amis urologues ont ainsi rapidement utilisé cette voie et finalement ils ont été parmi les premiers à reconnaitre l’intérêt du robot pour cette indication.

Aujourd’hui en France il n’y aurait pas d’avenir pour une activité de chirurgie cancérologique urologique sans le robot. Ce même chirurgien qui entrait timidement dans ma salle il y a 20 ans est aujourd’hui une référence en chirurgie urologique oncologique robotique. Comme il me le confiait très récemment, il ne pourrait pas retourner en arrière, en raison d’une part de l’immense avantage ergonomique de l’usage du robot, le chirurgien étant beaucoup plus confortablement installé sur la console de sa « machine », son geste étant beaucoup plus précis grâce à la vision 3D et à la « dextérité » du trimane qu’il pilote !

Le plus important semble être le bénéfice pour le patient en termes de meilleures récupérations post opératoires, de réduction de la durée d’hospitalisation et surtout d’après les spécialistes d’une meilleure conservation ou récupération de la fonction sexuelle par rapport aux techniques précédentes (tout cela doit être scientifiquement démontré).

Alors paradoxalement, les chirurgiens viscéraux qui étaient en poupe pour les techniques coeliochirugicales (cholécystectomie d’abord, quelques années après colectomie, et encore plus tardivement chirurgie herniaire…) sont très en retrait pour l’utilisation du robot même si des équipes en pointe notamment pour la chirurgie rectale basse sont maintenant enthousiastes. Certaines réalisant même en routine la chirurgie colo rectale robotique en ambulatoire.

Ainsi après la chirurgie urologique, c’est la chirurgie gynécologique, la chirurgie thoracique la chirurgie digestive donc, et la chirurgie ORL qui utilisent le robot en routine (Dans quelques équipes seulement).

Plus innovant que l’appareil qui ne fait qu’amplifier la dextérité (l’action de la main droite) du chirurgien, est le robot qui va bénéficier de l’apport de datas qui vont transformer le geste chirurgicale, nous rentrons là dans le véritable domaine des NTIC, et beaucoup dont nous ne sommes pas vont vous parler d’Intelligence Artificielle, terme galvaudé, et même mensonger, n’oubliez pas que pour le moment tout ce qui arbore le blason IA, ne sont que des outils mathématiques qui rendent l’utilisateur plus opérant plus efficace, et  peut être plus intelligent…

Voilà l’exemple de l’écosystème unique au monde : l’association IRCAD/ Université de Strasbourg/… (3) ayant créé une salle d’intervention hybride.

Aux commandes Jacques Marescaux, Luc Soler…

Première innovation :

Un bras robotisé va se nourrir des datas recueillies extemporanément sur le patient, un appareil d’imagerie analyse et affiche une vue 3D du foie du patient. Grâce à l’image l’opérateur va disposer une aiguille au sein de la cible précisément repérée, la table d’intervention glisse alors dans un scanner qui va contrôler l’exacte position de l’aiguille et l’opérateur pourra agir, ici en détruisant par radiofréquence la lésion très précisément repérée.

Cette salle permet ainsi de modéliser en 3D l’anatomie des patients permettant de planifier une intervention. L’évolution des techniques devrait permettre de superposer le modèle 3D avec les images des organes du patient et grâce à des lunettes adaptées ce système de réalité augmenté aidera l’acte chirurgical. Les problèmes techniques liés au recalage entre le modèle 3D construit avant l’opération et le patient sur la table d’intervention déformé par le pneumopéritoine et par les mouvements respiratoires sont résolus et la précision du recalage est de l’ordre du millimètre nous disent les spécialistes de l’institut hospitalo-universitaire de Strasbourg !

L’expérience acquise de nos spécialistes de Strasbourg rend le patient transparent facilitant le geste chirurgical robotisé, cela devrait être effectif dans les 5 ans !!

L’étape suivante est en fait la modélisation même de l’intervention et le contrôle de son bon déroulement par la machine qui pourra guider le chirurgien et l’informer à la moindre déviation au cours de la procédure.

Voilà ce que nous disent les spécialistes Strasbourgeois :

L’accumulation d’enregistrement d’un même type d’intervention (ici l’ablation de la vésicule biliaire) permet de former un algorithme sur le déroulement normal de l’intervention après 50 procédures. Après 120 procédures l’algorithme est capable de lancer des alertes si le chirurgien s’écarte du modèle.

Dans trois ans, l’algorithme aura beaucoup plus de datas et pourrait contrôler de plus en plus subtilement le déroulement de la cholécystectomie.

Ce travail de modélisation de l’anatomie du patient et d’utilisation de la réalité augmentée avec la possibilité de simuler des interventions devrait permettre à terme une automatisation de la chirurgie. Jacques Marescaux, Luc Soler en sont persuadés.

A ce stade à portée de vue pour nos pionniers innovateurs, il sera possible de parler de robots auxquels nous aurons greffé quelques brides de cognition.

Attendez vous à un déferlement médiatique, journalistique…. Avec de gros titres :

« Voulez-vous vous faire opérer par un Robot » ;

« Votre vie entre les bras articulés du dernier prototype de chirurgien virtuel »

J’en passe et des plus effrayants.

Cela me fait penser au médecin Anesthésiste virtuel, « Sedasys » de Johnson & Johnson, élaboré, distribué aux USA, et finalement retiré du marché après Lobbying de l’American Society of Anesthesiologists, il avait pourtant reçu les autorisations de la Food and Drug Administration.

Pourtant ce condensé d’électronique, d’algorithme et de NTIC, ne s’absentait pas pour boire un café, faire une consultation hors du bloc opératoire ou travailler dans deux salles en même temps…

Pour le coup Johnson & Johnson s’est rapprochée de Google pour élaborer un robot chirurgien.

Les syndicats de Chirurgien sont-ils moins puissants ?

Comme toujours la firme Google a initialement beaucoup communiqué sur ce chirurgien robot, mais je ne vois rien de neuf depuis 2015. Alors au-delà du marketing verrons-nous prochainement ce nouveau produit beaucoup plus élaboré que le robot Da Vinci « dixit Google », et toujours d’après Google réellement porteur de ce que les ignorants appellent de l’IA.

Je vous rappelle pour mémoire la communication de Google avec une avalanche de Fake News venue de tous bords concernant :

– Les lentilles connectées qui devaient révolutionner le suivi des diabétiques.

– Il y a quelques années le scandale de « Google Flu trends ».

-Le raté commercial des lunettes connectées.

Pour ces trois perles lire dans https://innovationesante.fr/

« Les ratés de la santé connectée, ou le patient pris en otage… » :

Le monde médical même en pleine restructuration a besoin de sérieux et de sérénité.

Mais nous n’avons pas fini de parler de ces outils robots qui vont améliorer, j’en suis intimement persuadé, les résultats de bon nombre de pratiques médicales.

 

Réf 1 : L’Acte chirurgical, Jean Paul Binet, Éditeur Odile Jacob, 1990

ISBN 2738100937, 9782738100931

 

Réf 2 : Thèse présentée par Benjamin Maurin

Discipline : Electronique, Electrotechnique, Automatique

Membres du jury

Directeur de thèse : M. Michel de Mathelin, Professeur, ULP

Conception et réalisation d’un robot d’insertion

Soutenue publiquement le 28 Novembre 2005

 

Réf 3 : https://www.challenges.fr/entreprise/sante-et-pharmacie/pourquoi-la-chirurgie-francaise-s-exporte-mondialement_484010

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