L’avenir de la santé en 2030 vu par Franck Le Ouay CEO de Lifen

Second billet consacré à l’avenir de la santé en 2030. Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir Franck Le Ouay CEO de la société Lifen qui partage avec nous ses constats ainsi que son point de vue.

Franck Le Ouay en quelques mots. Titulaire d’un master de mathématiques de l’Ecole des Mines de Paris, il a occupé plusieurs postes en recherche et développement chez Microsoft à Redmond.
Co-fondateur de Criteo, Franck Le Ouay occupa le poste de Chief Scientist officer avant de co-fonder en janvier 2015 Honestica.

Billet de Franck.

Cela fait 3 ans que je découvre avec joie et passion le secteur de la santé. Souvent questionné sur la transformation digitale du secteur, j’observe que celle-ci fascine par de nombreux aspects.

Le Buzz

Nos amis américains sont toujours très forts en marketing. Ainsi, a-t-on pu entendre parler des prouesses d’IBM Watson depuis de nombreuses années. Plus récemment, Google s’est illustré avec la victoire d’un algorithme au jeu de Go sur le champion Sud Coréen Lee Seedol. Geoff Hinton, spécialiste américain de l’IA, annonçait en 2016 la fin des radiologues d’ici à 5 ans.

Tous ces éléments alimentent les craintes et les fantasmes sur l’impact de l’Intelligence Artificielle et en particulier dans le secteur de la santé. Au final, il n’y a que très peu impacts visibles.

L’immobilisme

Pendant ce temps-là, en France, en 2018,

– Des centaines de millions de courriers médicaux sont encore envoyés par fax ou par la poste chaque année,

– Les logiciels ne sont pas encore bien compatibles ou communicants.

– Le DMP, lancé en 2004, vient juste d’être relancé.

Ce secteur semble figé, irréformable. Sur les 10 dernières années, le digital a-t-il réellement amélioré la pratique ou la qualité des soins ?

Longue vie aux radiologues

Difficile de trancher à première vue entre ces deux vues antagonistes!

L’innovation transforme le monde par itérations successives (aussi rapides soient elles). Ces itérations ne peuvent se faire que si elles produisent un gain à ceux qui les portent.

Autrement dit, les radiologues ne vont pas disparaître par un coup de baguette magique. Bien au contraire. Les meilleurs radiologues vont embrasser les technologies d’IA (grâce à des acteurs comme incepto medical), se les approprier pour devenir meilleurs, plus efficaces et sans doute permettre de nouveaux usages dont nous ignorons encore les contours. Ils passeront certainement moins de temps à analyser les images, comme nous passons tous moins de temps à faire des calculs depuis que l’ordinateur ou la calculette existent.

Les innovateurs

Innover, changer le monde est un art difficile. Cela requiert beaucoup de talent et d’argent pour y parvenir. Le monde a été pris d’assaut par les start-up depuis les années 90, notamment californiennes. La France possède également un écosystème riche et en forte croissance. Ces start-up ont naturellement investi en premier lieu les secteurs les plus faciles d’accès : la communication, le e-commerce, la publicité. Depuis 5 ans, on observe qu’elles s’attaquent avec force à tous les secteurs sans discrimination: la finance, l’agriculture, l’éducation et aussi la santé. Elles insufflent une force de changement incroyable. L’exemple le plus retentissant en France n’est autre que Doctolib qui a su profondément changer l’accès aux soins en seulement quelques années et avec un soutien financier massif. Cet exemple est annonciateur de beaucoup d’autres à venir et je suis confiant que ces innovateurs vont donner un souffle nouveau sur le secteur.

Mes prédictions pour 2030

Je pense que nous sommes à la veille de changements majeurs dans le secteur de la Santé. L’avènement de l’intelligence artificielle, l’entrée des start-up, les problèmes systémiques du secteur (démographie médicale, déserts médicaux, besoin de maîtriser les dépenses de santé), l’évolution collaborative de la pratique médicale, tout cela concourt à l’émergence de nouveaux usages digitaux, de nouveaux services et de nouveaux acteurs. Dans ce contexte, les entreprises actuellement dominantes sur le marché n’ont d’autre choix que d’accompagner l’innovation avec une démarche ouverture, sans quoi elles risqueraient l’obsolescence.

La télémédecine sera totalement entrée dans les usages, à telle point que les nouveaux praticiens se demanderont comment c’était « avant ». Pour tous les actes de suivi qui ne nécessitent pas la présence du patient mais aussi comme complément d’accès aux soins primaires. Ainsi la mère de famille qui a un enfant fiévreux le matin, machinalement appellera un médecin sur son app de télémédecine favorite.

Le développement de la télémédecine va naturellement accompagner celui des capteurs connectés. Si nombres d’entre eux seront initialement utilisés en téléconsultation, il n’y a qu’un pas pour imaginer un télé-suivi à distance grâce à tout type de capteurs qui équiperont le patient sur une durée longue. Avec les bons outils informatiques pour traiter tous ces signaux (comme par exemple Implicity), les praticiens pourront entrer dans l’ère de la médecine guidée par les données.

Enfin, le dossier patient du praticien va, je pense, considérablement évoluer. Aujourd’hui chaque praticien a son propre dossier patient, ce qui entraîne une charge administrative incroyable pour tous, des saisies multiples, des erreurs, des informations manquantes. En 2030, nous pouvons espérer que les praticiens auront un dossier patient dans le cloud, partagé et intelligent. Le dossier incorporera automatiquement les comptes rendus et mettra à jour le dossier du patient à la volée. Ce type d’outils rendra les interactions entre praticiens beaucoup plus fluides et efficaces.

L’histoire reste à écrire, mais tout cela s’annonce passionnant à vivre !

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