La télémédecine, et les déserts médicaux : du nouveau depuis notre dernière mise à jour.

La télémédecine a été prise en compte par les tutelles depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 par le dispositif expérimental ETAPES où « Expérimentation de Télémédecine pour l’Amélioration du Parcours En Santé ».

Couplée à la multiplication des maisons de soins pluridisciplinaires, la télémédecine est retenue aujourd’hui par les tutelles comme étant l’une des solutions pour régler le problème des déserts médicaux.

Voilà d’abord le résumé du parcours de l’expérimentation ETAPES.

Elle a donc été instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 dans son article 36, et appliquée dans neuf régions pilotes pour la réalisation d’actes de télémédecine pour des patients pris en charge en ville et dans les structures médico-sociales.

Ils s’agissaient en 2015 de téléconsultations ou de télé-expertise uniquement sur les patients porteurs de plaies chroniques ou complexes.

En 2016 était ajouté la télésurveillance pour certaines pathologies chroniques : Insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire.

La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2017 a prévu la généralisation de l’expérimentation sur tout le territoire. En prévoyant un financement spécifique. En facilitant les démarches avec une suppression de l’obligation de convention entre agences régionales de santé, organismes locaux d’assurance maladie et professionnels. Et autres facilitations…

En 2017 a été publié un nouveau cahier des charges pour la télésurveillance à destination des patients diabétiques (200 000 patients).

Actuellement tout médecin peut déclarer son activité de télémédecine dans le cadre du programme ETAPES, voilà ci-après le lien qui montre par exemple comment doit procéder un médecin en nouvelle aquitaine.

Les tutelles ont ainsi décidé d’accélérer la mise en place des techniques de télémédecine considérées comme étant les solutions les plus efficaces du problème de plus en plus aigu des déserts médicaux.

Le nombre de médecins généralistes décroît considérablement sur de très nombreux points du territoire. Nous avons très précisément illustré ce problème dans notre billet qui décrivait la situation qui va devenir catastrophique dans l’un des cantons du Nord de l’Aveyron. Combien de cantons en France sont dans la même situation ? Les Pouvoirs publiques avaient déjà pris conscience du problème, mais je ne suis pas sûr que les causes aient été identifiées et que les vraies solutions aient été imaginées. Comme nous ne cessons de le répéter à Innovationesante.fr certains territoires n’auront bientôt plus de médecin, non pas parce que les médecins ne veulent pas y aller mais parce que tout simplement ces médecins n’existent pas, ils n’ont pas été formés dans nos facultés.

Le numéro Clausus est un véritable scandale, il élimine de futurs bons candidats pour la profession de médecin, il les envoie à l’étranger pour finalement décrocher le Graal à plusieurs milliers de kilomètres de chez eux et revenir s’installer après un parcours alambiqué, coûteux et souvent responsable de pressions psychologiques importantes.

Cette inadéquation coupable du Numérus Clausus avec la réalité, entraîne également un flux de médecins depuis l’étranger, avec souvent des problèmes d’adaptation de ces médecins ont préparé, il en résulte des échecs d’installation comme justement nous avons pu le constater dans notre canton « témoin ».

Le gouvernement vient de s’exprimer par la voix de Monsieur le Premier Ministre et de madame la Ministre de la santé avec un plan anti déserts médicaux :

         – Création de 300 postes de médecins exerçant dans le cadre de la télémédecine et qui vont se partager entre la ville et l’hôpital, des praticiens hospitaliers pourraient ainsi exercer une journée par semaine dans une maison de santé.

         – multiplier les stages des étudiants dans les cabinets de médecine libérale sans faire évoluer le numérus clausus afin d’attirer les jeunes médecins dans les déserts médicaux.

         – multiplication par deux les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) pour les porter à 2000 en 2020 avec un investissement de 400 millions d’Euros.

         – Essayer de retenir les médecins, jeunes retraités, avec des incitations financières

         – déléguer un certain nombre de tâches médicales aux infirmiers libéraux

Les observateurs sont nombreux à remarquer que l’on mise essentiellement sur les maisons de santé pour régler les problèmes.

Pour Innovationesante.fr toutes ces mesures sont particulièrement intéressantes sur le papier, mais à condition de trouver des candidats médecins. Or comment la tutelle peut-elle prétendre qu’il n’y a pas de problème de numérus clausus. Elle estime donc qu’il y a quelque part des médecins non ou mal employés et que l’on pourra redéployer. Alors nous posons la question où sont ces médecins oisifs que l’on va pouvoir occuper dans ces centaines de maisons de santé pluridisciplinaires qui vont être créées. Les jeunes médecins qui s’installent aujourd’hui ne permettent déjà pas d’assurer le remplacement de la génération qui part à la retraite qu’elle soit installée à la ville ou à la campagne d’ailleurs.

Notre dernier voyage dans le Nord Aveyron nous apprend bien des choses au contact du terrain.

La maison de santé pluridisciplinaire « vallée du Lot » du canton Lot et Truyère est située dans une zone de revitalisation rurale, elle est agréée par l’ARS, elle a donc accès au nouveau mode de rémunération et de subvention, cela signifie en l’occurrence qu’un jeune médecin en première installation pourrait bénéficier d’une incitation financière très substantielle. Malgré ce contexte a priori favorable, le médecin référent de la maison de soins Monsieur le Docteur Gilles Verrez n’arrive pas à recruter un 2e médecin à temps plein. Pourtant il est particulièrement dynamique, maître de stage ayant formé depuis des années, sept stagiaires, ayant conservé d’excellent rapport avec ses anciens élèves, malgré cela aucun de ces stagiaires n’a été en mesure de le rejoindre. Ils ont donc probablement trouvé une occupation à temps plein ailleurs…

Pour le Docteur Gilles Verrez, le problème est bien celui du numérus clausus, il a alors cette audacieuse proposition : » élargir le numérus clausus pour des médecins qui s’engageraient à s’installer pendant un certain nombre d’années dans les déserts médicaux ».

Voilà la proposition que nous demandons aux tutelles d’examiner.

Comment la multiplication des maisons de soins pluridisciplinaires va régler le problème de la démographique médicale alors que nombre de celles existantes ne sont déjà pas capable de recruter malgré les très nombreuses mesures incitatives qui ne sont pas nouvelles.

Nous sommes tout à fait d’accord pour souligner que la réorganisation de la fonction même du médecin référent, grâce à la diminution des tâches administratives qui pèsent sur ces épaules, grâce à la généralisation de la télémédecine comme partenaire de tous les jours, et grâce à la délégation d’un grand nombre de tâches, devrait permettre dans un avenir proche d’augmenter considérablement leur productivité.

Mais la mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs prendra du temps, et il y a maintenant urgence.

Il y a des freins, certes techniques, mais également sociologiques à la généralisation d’une santé connectée idéale, cela n’est pas contestable, la conséquence est que le résultat attendu sera toujours plus long à obtenir que ce que l’on pense.

Le déploiement de la télémédecine, la généralisation du dossier médical partagé et des systèmes de transmission des données médicales cryptées, toute chose indispensable pour installer la médecine de demain ne se fera pas en quelques années.

Jusqu’à preuve du contraire l’élément le plus discriminant dans l’organisation de la santé aujourd’hui est toujours le praticien lui-même.

Et si nous aimons à répéter dans nos colonnes que l’élément central du système de santé est l’individu lui-même (en bonne santé ou pas), nous ne devons pas oublier que le médecin référent reste un chaînon essentiel.

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