Après la téléconsultation : la télé-expertise !

Billet co-écrit avec Baptiste Truchot co-fondateur d’Omnidoc.

Après la téléconsultation qui peine à trouver sa place dans le secteur de la consultation médicale, est entrée également dans le droit commun de la Sécurité Sociale, la télé-expertise.

Pour la téléconsultation, le départ est très modeste avec à la mi-mars 2019, 7 939 actes de téléconsultations pris en charge par l’Assurance Maladie, environ 200 actes par semaine en 2018. Sensible accélération avec 700 actes hebdomadaires depuis la mi-février. Les Médecins Généralistes sont en tête (40%) et notamment les centres de santé (20%) (statistique de la Cnam).

Depuis le 11 février, la téléexpertise est prise en charge par l’assurance maladie.

Désormais les médecins peuvent être rémunérés lorsqu’ils donnent ou demandent un avis à un confrère.

L’objectif affiché de l’assurance maladie est de promouvoir l’échange entre professionnels de santé et de réduire le temps d’accès à un avis spécialisé, notamment dans les zones les plus touchées par la désertification médicale. Elle souhaite également réguler une pratique qui est aujourd’hui réalisée de manière informelle par des canaux souvent non sécurisés.

Ce nouvel acte médical, qui s’insère entre le premier et le second recours, pourrait profondément modifier le parcours de soin. La téléexpertise est aujourd’hui un service demandé au spécialiste. Les médecins demandeurs se limitent donc au cas les plus critiques et il est parfois long et difficile d’obtenir une réponse. Maintenant qu’elle est remboursée, cette pratique pourrait devenir beaucoup plus systématique.

C’est en effet la possibilité, pour le patient et son médecin, d’obtenir un accès spécialisé beaucoup plus rapidement. Cela peut permettre de mieux orienter le patient, de répondre à certains doutes, d’éviter certains déplacements et même des erreurs médicales. Pour le médecin spécialiste, cela pourrait permettre de valoriser les échanges avec les médecins généralistes et de mieux prioriser les demandes de prises en charge urgentes.

Les promesses sont nombreuses, mais plusieurs freins existent. La rémunération de ce nouvel acte est modeste : entre 5 et 10 euros par demande (selon la complexité), entre 12 et 20 euros par réponse. Ensuite il ne suffit pas d’échanger un texto pour pouvoir coter une téléexpertise. Il faut d’abord demander l’autorisation au patient et vérifier son éligibilité. Seul un tiers des patients sont éligibles dans un premier temps (ALD, maladies rares, zones sous dotées, EHPAD, détenus). L’échange doit se faire via une messagerie sécurisée (MSSanté, Apycript) ou une plateforme respectant toutes les règles en termes d’hébergement de données de santé. Enfin l’acte doit être traçable, en particulier un compte-rendu doit être ajouté au dossier patient.

Ces règles pourraient constituer un frein au développement de la téléexpertise. Mais certaines plateformes tentent de les lever. C’est le cas d’Omnidoc disponible depuis février 2019, cette plateforme accessible, depuis un ordinateur ou un smartphone, permet de réaliser très facilement des téléexpertises rémunérées. Omnidoc décharge les médecins de l’administratif et les accompagne dans toutes les étapes de la téléexpertise, de la vérification de l’éligibilité du patient à la facturation, en passant par la génération du compte-rendu. La plateforme est gratuite dans le cas d’échanges entre médecins correspondants. Elle propose également une fonctionnalité payante permettant à des établissements ou des groupes de médecins libéraux de gérer collectivement des besoins d’avis spécialisés sur un territoire.

“ Nous ne pouvons pas changer la rémunération de l’assurance maladie, mais nous pouvons faciliter tout le reste. Il ne faut que quelques secondes pour s’inscrire et réaliser une demande. Il est possible de s’adresser à un correspondant habituel ou de demander une mise en relation avec un médecin disponible ” explique Baptiste Truchot, son fondateur.

D’autres startups proposent d’accompagner les médecins dans la téléexpertise.

Avis2Santé, créée en 2016, propose une offre de télé-expertise depuis un an, dont l’abonnement varie entre 59 euros à 116 euros par mois pour l’utilisateur qu’il soit requis ou requérant, suivant les services utilisés et l’espace de stockage des données requis.

Plus récemment la startup Postelo a également développé une offre de téléexpertise, à destination des médecins libéraux et des établissements de santé. Elle est gratuite pour les médecins requérants et payantes pour les médecins requis.

Des initiatives régionales, financées par les ARS, avaient déjà vu le jour avant que l’acte de téléexpertise n’entre dans la nomenclature. C’est le cas de Therap-e (Normand’e-santé) en Normandie ou de MonSisra (GCS SARA) en Auvergne-Rhône-Alpes. Ces plateformes devraient progressivement s’adapter au nouveau cadre réglementaire et pourraient à l’avenir s’élargir à l’ensemble du territoire.

L’assurance maladie, quant à elle, prévoit de faire un bilan en 2020 et d’ajuster la réglementation en fonction du succès et des modalités de développement de la téléexpertise. Plusieurs évolutions sont sur la table : en particulier la généralisation à l’ensemble des patients et la création d’un troisième acte de téléexpertise avec une rémunération plus attractive.

En conclusion, la consultation médicale se réorganise profondément en France, notamment sous l’action des plateformes de prise de rendez-vous sur internet dominées par la très performante et jalousée Doctolib qui ayant récemment racheté Mondocteur se retrouve en situation de quasi-monopole, elle reçoit des critiques de médecins libéraux et de la concurrence (Allodocteur, Rdvmédicaux, Medunion…) pour ne citer que les principales sociétés .

Pour le moment ces plateformes ont bien du mal à faire adopter par les médecins et les patients la téléconsultation entrée dans le droit commun de la sécurité sociale en septembre 2018.

Alors la téléexpertise avec son champ d’action réglementé, sa faible attractivité financière va probablement peiner à trouver sa place rapidement.

Pour preuve l’activité encore très modeste des principales offres : OMNIDOC, POSTELO, AVIS2SANTE, GCSNORMAND’ESANTE, GCS SARA.

Mais lorsque les indicateurs (liés aux professionnels de santé, à la gouvernance, et liés aux patients…) seront plus favorables la téléexpertise comme la téléconsultation aura une belle carte à jouer pour simplifier le parcours de soins.

C’est ce que nous croyons et espérons pour notamment pallier, certes pour une très faible part, à la pénurie des médecins de soins premiers.

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