La littératie en santé, ou comment le public peut-il se retrouver dans les méandres du système de santé, connectée ou pas d’ailleurs !

Mais qu’est-ce que la littératie ?
Reprenons la définition de Madame Nathalie Boivin* experte, et référente dans ce domaine.
La littératie en santé, c’est « la capacité d’avoir accès à de l’information, de la comprendre, de l’évaluer et de la communiquer de manière à promouvoir, à maintenir et à améliorer sa santé dans divers milieux au cours de la vie »
Si l’alphabétisation est l’apprentissage de la lecture, l’alphabétisme ou littératie est apprendre en lisant, et donc comprendre une notice de médicament, savoir utiliser un objet connecté, une application médicale nouvelle…
Devant un nouvel outil imposé, il faut se poser la question à qui s’adresse cet outil, qui est cette personne. Et quel est son niveau de littératie ?
Le public doit ainsi maîtriser de nombreux outils.
Et il ne faut pas nier une inégalité qui existe déjà à l’entrée de l’hôpital, ou le panneau situé en bonne place, donne la direction du B. E. pour bureau des entrées ! Certains sont déjà perdus à ce stade.
L’utilisation d’une ligne numérique peut également en décourager beaucoup, à force de taper 1, puis de taper 2, puis de prononcer tel ou tel nom de service ou de Médecin non précisément identifié….
L’usage de l’ordinateur et de tous ses logiciels est parfois aussi un obstacle, et souvent, c’est le message délivré qui n’est pas compréhensible.
Cette notion de littératie mal enseigné (ou pas enseigné !) dans nos Facultés de médecine prend toute son importance dans le contexte actuel et surtout futur de la « Santé connectée »
Encore faudrait-il justement qu’une partie importante du public ne soit pas trop vite déconnecté !
Le document de base sur l’Enquête internationale sur l’alphabétisation (littératie) des adultes (EIAA)*, montre l’ampleur des différences entre les groupes sociaux.
Les chiffres de l’agence de la santé publique au canada,* (pays très en avance sur la France pour la prise en compte du niveau de littératie de la population) démontrent que 60 % des adultes et 88 % des personnes âgées au Canada n’ont pas les compétences nécessaires pour trouver, comprendre et utiliser l’information de manière à pouvoir prendre de bonnes décisions pour leur santé.
Comme le précise dans sa thèse Madame le Docteur Oancea Mihaela*, l’impact sur la santé d’un faible niveau de littératie est important, et le niveau de littératie du patient n’est pas forcément bien évalué par les médecins qui le soignent. Il est important d’approfondir le sujet et de diffuser les connaissances sur la littératie en santé et les moyens de l’évaluer, auprès du corps médical.
Dans ce contexte, la thèse de madame le Docteur Floriane Dumont* apporte un complément d’information montrant qu’à un faible niveau d’étude, le public utilise moins le net comme source d’information pour les problèmes de santé, se connecte moins longtemps, et utilise moins les sites de vulgarisation, et les forums de discussion.
Cela démontre que le faible niveau de littératie va avoir des conséquences plus marquées avec l’arrivée des nouvelles technologies.

Il est donc urgent que les ministères compétents se saisissent de ce sujet majeur de santé publique. Les travaux de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme semble aller dans la bonne direction: voir la présentation de Madame Armelle DELAMPLE*, Chargée de mission nationale.
Affaire à suivre…

*Nathalie Boivin, professeur en science infirmière à l’université de Moncton (Canada) et chercheur dans le domaine de la littératie en santé.

*Le document de base sur l’Enquête internationale sur l’alphabétisation (littératie) des adultes (EIAA)

*Thèse pour le diplôme d’état de docteur en médecine par Madame Oancea Mihaela
Littératie en santé : les patients ayant un faible niveau de littératie en santé sont-ils détectés lors d’une simple consultation ? Année 2013 UFR de Médecine Paris Diderot – Paris 7

*Floriane Dumont. Impact d’Internet sur la relation médecin-patient en médecine générale du point de vue du patient : étude observationnelle descriptive et analytique auprès de 1521 patients. Médecine humaine et pathologie. 2013. <dumas-00926241>

*Agence de la santé publique au canada

*Armelle Delample : Chargée de mission nationale – Système d’information, collecte de données nationales et régionales Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme

Photo : Nathalie Boivin au pupitre, enseignant l’importance de la connaissance du niveau de  littératie des populations…

6 commentaires Ajoutez les votres
  1. Bonsoir, je ne connaissais pas ce terme. Merci pour la qualité de ce billet et d’avoir accepté que nous puissions le partager sur nos fils d’actus !

    1. Bonjour,
      La littératie en santé est un principe déjà signalé par l’OMS comme un obstacle d’aujourd’hui à l’accès à la santé, plus encore que l’illettrisme. En effet, dans nos cultures européennes mêmes, combien de personnes sont capables de comprendre les notices de leurs médicaments ?
      Par expérience, nos propres médecins ont aussi du mal à interpréter CERTAINES données graphiques très esthétiques affichées par les brillants ingénieurs qui réalisent nos objets connectés santé (ex : données du sommeil)…
      C’est un champ d’étude des ergothérapeutes, très sensibilisés au sujet dans leur prise en charge globale du patient où chaque pro de santé a son propre langage devant la personne.

  2. Intéressante réflexion
    Outre la maîtrise des nouveaux outils et média numérique se pose la question : jusqu’où pousser la vulgarisation sans tomber dans le simplisme
    J’organise des réunions sur invitation pour les patients susceptibles de bénéficier de chirurgie bariatriques
    Le président lus grand nombre me font part de leur satisfaction d’avoir une information  » avec présence physique  » qui leur paraît plus pleine de sens que les mêmes notions exposées sur la toile .
    Pour moi la littératie dépend beaucoup de l’empathie avec laquelle l’information est mise à disposition .

    Bravo pour votre initiative

    1. Cher Marc,
      Merci pour tes commentaires.
      L’apport des nouvelles techniques de l’information et de la communication va permettre l’amélioration du niveau d’information du public et des patients, le problème posé dans ce billet est de contrôler en amont que ces techniques soient adaptées aux différentes cibles, et qu’il n’y est pas de laissés- pour-compte, cela ne s’improvise pas et doit être étudié sérieusement d’où l’investissement d’universitaire dans ce domaine, comme Marion Albouy Llaty, Maître de Conférence à l’Université de Poitiers et Emmanuel Rusch Professeur à l’Université de Tours par exemple qui suivent l’exemple de l’école canadienne.
      Bien évidemment internet ne remplace pas la rencontre direct mais on peut l’utiliser lors de certaines présentations.
      Quand à ta remarque concernant l’empathie, c’est véritablement essentiel, et je suis tout à fait d’accord avec toi, il reste une très large part à l’implication direct du soignant.
      Encore merci Marc de nous lire et de commenter, à bientôt sur le Blog !

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