Comment sera le monde de la santé en 2030 ?

L’information et la vulgarisation concernant l’évolution de la médecine revue et corrigée par les Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication a été notre credo sur innovationesante.fr, mais l’environnement a beaucoup évolué depuis la création de notre blog il y a maintenant près de trois ans.

Nous parlions de robots domestiques présentés sur la toile à grand renfort de marketing. J’ai l’impression aujourd’hui que l’enthousiasme est plutôt en berne ; beaucoup de ces innovations semblaient être des gadgets ou tout du moins elles ne répondaient pas encore à une réelle demande.

Nous parlions également beaucoup de Big data, de « l’Intelligence Artificielle » (l’IA) et des prouesses des Géants du Web. Là aussi il s’agissait parfois d’opérations de communication des GAFA pour faire parler des sociétés elles-mêmes, plutôt que d’un contenu prétendument scientifique (exemple des Google glass, lentille oculaire connectée, et autre suivi des épidémies de grippe !! … quelques exemples de flops retentissants avec parfois à la base une désinformation, voire d’après certains d’une malhonnêteté scientifique).

IBM nous paraissait plus mature sur le sujet et proposait des solutions d’aide aux professionnels de santé avec le projet Watson, mais là encore c’est loin d’être l’enthousiasme aujourd’hui parmi les veilleurs en e-santé.
Il y a deux ans naissait notre organisme de Développement Professionnel Continu (ODPC, validé par l’Agence Nationale du Développement Professionnel Continu (ANDPC). Nous étions obligés d’enseigner des bases de la santé connectée, c’est à dire présenter aux médecins l’existence de la transmission cryptée des données médicales (même si Apicrypt existait depuis des dizaines d’années mais était très inégalement utilisé sur le territoire). Nous contions l’historique du « projet » du dossier médical électronique, de l’internet des Objets (l’IoT), et des nouveaux écosystèmes des App dédiées à la santé. Tout cela n’était toujours pas dans les préoccupations des médecins.
Mais une véritable évolution sociologique, débutant en fait dès les années 70, avec progressivement une plus grande implication du public et des patients, (empowerment, quantified self) a rendu possible l’influence du net (pas le contraire !).

Cette implication des patients et l’impulsion donnée par les professionnels de santé qui subodoraient déjà que le «colloque singulier» n’existait plus, à l’ère de la diffusion des informations médicales par la presse écrite et la télévision, précipitaient les changements en cours. Les médecins « geek » savaient qu’il fallait réinventer, réorganiser les nouveaux rapports entre le patient et le médecin et l’exercice même de la médecine en utilisant ces Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication (NTIC), la vérité ne jaillissant plus à la fin de la consultation en tête à tête. Les informations données par les aidants, les proches, les associations, les médias (dont la toile) avaient définitivement brouillé l’ancien rapport médecin/patient.

Dans ce nouveau contexte les médecins pionniers ont apprivoisé les nouvelles techniques en inventant des systèmes aidant le diagnostic, le soin, l’accompagnement et l’information du patient. Ils inventaient même de nouvelles formes de consultation (en l’absence physique du patient par exemple…), prônant l’automédication raisonnée… tout cela sous les sourcils fronceurs de la majorité de leurs confrères, des ordres professionnels et des gouvernances.
Longtemps seuls ces médecins ont assimilé les NTIC, puis ils ont été aidés par les professionnels de ces fameuses NTIC qui étaient ou pas dans le monde de la santé. Ils sont maintenant aidés par des transfuges du marketing digital qui eux ne l’étaient pas. Ces nouveaux interlocuteurs se sont associés aux professionnels de la santé. Eux qui avaient participé à la numérisation de la société, notamment des services (commerce, banque assurance…), qui ont inventé et mis en place les algorithmes de CRM (Customer Relationship Management ou gestion de la relation client) qui encadrent bien souvent maintenant un peu partout les rapports B to C, qui ont inventé et fait prospérer le business autour du web (publicité ciblée auprès des internautes…). Ils ont eu envie de défricher de nouveaux territoires numériquement presque vierges (le nôtre) ! Le monde de la santé toujours accablé par la paperasserie et totalement « not data driven ».

Ces spécialistes du marketing digital, tout auréolés de leurs succès passés, sont repartis de zéro et ont investi le monde de la santé qui leur était inconnu voire qui leur paraissait étrange (en ce qui concerne la relation entre les médecins et le public, tellement éloignée des relations « B to C » habituelles). Ils ont créé de nouvelles start-ups et appliqué dans notre monde de la santé les techniques qui ont fait leurs preuves ailleurs ; ils se sont alliés à nos médecins « geek ».
Spécialistes des nouvelles ressources, (les nouveaux ordinateurs, les nouvelles mathématiques …), ils proposent des nouveaux outils afin d’organiser les professions médicales aussi bien dans les domaines des services de conciergerie, de prise de rendez-vous, d’organisation des données de santé que dans l’organisation des soins et même en influençant les processus de recherches fondamentales et cliniques.
Concernant l’organisation des pratiques médicales, rien ne pouvant se faire sans l’élaboration de loi, de décrets et donc de normes… il fallait passer sous les fourches caudines de la gouvernance.
Les professionnels de santé, qui pour certains ont travaillé depuis de très nombreuses années dans l’ombre voire dans la clandestinité, étant même souvent regardés avec beaucoup de défiance par la gouvernance et les ordres professionnels, voient leurs premières expériences cliniques « déviantes » assimilées. Petit à petit, les nombreux projets de médecine virtuelle, de télé conseil se retrouvent sur le bon chemin aboutissant à l’essor aujourd’hui de plateformes médicales, par exemple de téléconsultation. Les béta test fleurissent ici et là et préparent l’intégration de la télémédecine dans les cabinets avec une généralisation que je prévois très rapide pour la plupart des professionnels de santé.

Finalement une culture générale de la santé connectée s’installe progressivement souvent sous l’initiative des associations de patients qui travaillent sur des solutions numériques sur mesure pour leurs adhérents.
Certains objets connectés prescrits par les médecins sont utilisés quotidiennement par les patients. Des applications améliorant le quotidien de nombreux patients atteints de maladies chroniques sont également utilisées.
Les médecins échangent maintenant de plus en plus à travers les systèmes sécurisés et cryptés. La CNAMTS prend en main la destinée du dossier électronique qui va peut-être enfin exister !
La crise sans précédents de la médecine des soins primaires du à l’imprévoyance des tutelles influencées par la majorité des acteurs du monde de la santé (syndicat, CPAMTS, services de l’état…) va arriver à son paroxysme très prochainement, conformément à un rapport de la DREES de 2009 .
Situation Kafkaïenne ou ceux qui demandent des rapports ne les lisent pas ou bien se mettent la tête dans le sable.
Mais nous entrevoyons enfin le début d’un commencement d’une amélioration grâce à une nouvelle gestion permettant un meilleur rendement de notre secteur d’activité, il s’agit de :
– L’organisation numérique des cabinets médicaux, des maisons de santé, et des établissements de santé.
– Une nouvelle répartition des rôles en matière de soins primaires avec dès maintenant un rôle accru de la Pharmacie d’officine qui va s’équiper en objets connectés, prodiguer des conseils, des soins, des vaccinations …

Les paramédicaux qui vont également délester le médecin de nombreuses tâches mais cela demande une organisation plus complexe, une réorganisation des études par exemple des futurs Infirmiers en Pratique Avancée (IPA)… Ici l’effet bénéfique sur la récupération du temps médical sera plus lointain (5 années de formation !), et cela est dans les mains de la gouvernance….
– une meilleure façon de soigner grâce aux multiples applications des NTIC (amélioration des parcours de soins…)
– une bien meilleure organisation de la prévention là où nous ne sommes pas bons du tout !
Mais la formation universitaire (FU) et la formation post universitaire (FPU) doit suivre (en ce qui nous concerne et depuis près de 3 ans je dirais que la FPU a précédé la FU…).
Un véritable élan doit être pris et la formation scientifique validante doit succéder à l’information et à la vulgarisation !

Voilà le rôle de notre ODPC, HAASTIN, initialement dédié à la e-santé, mais contrairement à hier, aujourd’hui toute la santé est incluse dans cette disruption e-santé et e-prévention.
La formation médicale continue est l’une des meilleures solutions permettant aux professionnels de santé déjà installés de moderniser leurs outils de travail et leurs pratiques médicales.
Le cadre universitaire peine pour le moment à établir une formation adéquate pour leurs étudiants. Les diplômes accessibles aux professionnels déjà formés n’intéressent que quelques centaines de médecins par an, là où la formation devait être généralisée.

Notre action déjà effective depuis deux années monte en puissance. Nous donnons la parole aux experts médecins qui ont développé les solutions éprouvées scientifiquement et utilisées en routine.
L’utilisation de ces solutions est encore souvent très localisée, mais les promoteurs travaillent sur des projets de développement et de généralisation à plus grande échelle, comme par exemple généraliser une application de suivi du patient porteur d’un cancer précis vers une application adaptable au suivi de la plupart des cancers.
L’un des buts de nos formations est précisément de favoriser la généralisation des nouvelles pratiques médicales.
Nos formations doivent préparer les professionnels de santé à utiliser d’autres systèmes numériques de suivi de patients qui les accompagneront dans leurs parcours de soins médicaux, aigus ou chroniques.
Les espoirs (raisonnés) d’améliorer considérablement le suivi en diminuant les risques et la morbidité et en améliorant la santé et la qualité de vie des patients sont légitimes. Cette véritable disruption numérique permettra une meilleure prise en charge de très nombreux problèmes de santé publique avec par exemple, le secours aux personnes en dehors des lieux de soins (AVC, AIT, Arrêt cardiaque…), un meilleur suivi des maladies chroniques (Diabète, Obésité, HTA, insuffisance rénale…) et surtout leur prévention. Avant 10 années nous pensons que les systèmes de prévention seront considérablement développés à l’initiative même des patients (empowerment et quantified self ). Ils vont transformer le système de santé français très performant sur les soins des pathologies aiguës et chroniques en le renforçant sur les préventions (primaires, secondaires et tertiaires).
Les outils, NTIC ou produits technologiques, impactent déjà considérablement le monde médical :
-Ici une équipe médicale expérimente un robot chirurgien qui pour l’instant obéit au chirurgien humain, mais il serait possible de l’éduquer en intégrant un grand volume de data relatives à un type d’intervention chirurgicale (les données accumulées de centaines d’interventions). La puissance des nouvelles mathématiques permettant au robot d’être parfaitement en phase avec les caractéristiques du patient opéré (sa pathologie, son anatomie les mouvements de ces organes…). Il en résulte selon les auteurs la possibilité de prévoir une automatisation complète du geste chirurgical dans 5 ans pour une intervention donnée.
Là, la puissance des nouveaux ordinateurs permet de booster la recherche fondamentale en Pharmacologie (étude de nouvelles molécules) ou en recherche clinique (diagnostic et traitement des cancers…), avec des espoirs dans la recherche sur les maladies neuro dégénératives et les cancers rares. Dès aujourd’hui des durées de programmes aboutissant à la sélection de nouvelles molécules pouvant être testées dans le cadre de la maladie d’Alzheimer sont considérablement diminuées.
Enfin la technique de la Blockchain pourrait accompagner la réorganisation du monde de la santé en sécurisant une plus libre circulation des données de santé entre tous les acteurs (le patient en particulier), avec une traçabilité infaillible utile pour tous et en particulier aux médecins (intérêt médico-légal). La blockchain permet également une optimisation des services (paiements, tenue des documents…) et une réduction des coûts. L’exemple Estonien est éloquent : la numérisation de toute l’administration et de la santé voulue il y a déjà 30 années est effective depuis quelques années, elle est source d’économies considérables permettant de financer d’autres services publics (transports publics gratuits…).

Alors aidés par ce survol schématique et optimiste de la naissance d’un nouvel écosystème médical qui se profile : Comment voyez- vous le monde de la santé en 2030 ?
Comment à votre avis serez-vous soignés et comment sera organisée la vie quotidienne des différents acteurs afin de prévenir les problèmes de santé ?
Ce sont ces questions que nous poserons à des professionnels qui interviennent ou non dans l’univers de la santé, à des patrons d’entreprises et startupers, des scientifiques et des politiques qui voudront bien se prêter à ce jeu de prospective.

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